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L'empreinte de toute chose d'Elizabeth GILBERT

Editeur : Le livre de poche

Date 1ère parution : 2013

Genre : Historique

Nombre de pages : 803



Quatrième de couverture :

Alma Whittaker naît avec le XIXe siècle, à Philadelphie, d’un père anglais qui a fait fortune dans le commerce du quinquina et d’une mère érudite d’origine hollandaise. A leurs côtés et au contact des éminents chercheurs qui gravitent autour d’eux, Alma acquiert une intelligence éclectique et la passion de la botanique.

Elle grandit animée d’une soif d’apprendre sans pareille, qui la poussera à explorer le vaste monde, la nature, la société dans laquelle elle vit…et son propre corps de l’infiniment grand à l’infiniment petit.

L’auteur du best-seller Mange, prie, aime nous raconte ici, des bas-fonds de Londres en passant par Tahiti ou les cimes des Andes, le siècle kaléidoscopique qui voit jaillir l’esprit des Lumières. Sa plume est vive, insolente et non dénuée de romantisme : à l’image de son héroïne.


Mon avis :


Ce livre de 800 pages qui parcourt la quasi-totalité du XIXe siècle et ses avancées scientifiques est passionnant de bout en bout.

Elizabeth Gilbert livre une fresque alerte, vivante, brillante mais aussi, touchante, émouvante et pleine d’interrogations pour le lecteur enthousiasmé que l’on devient dès les premières lignes. Son style est d’une fluidité à faire pâlir d’envie tout écrivain quel qu’il soit, tant elle rend accessible et captivant son récit, que le sujet abordé soit simple, courant, complexe, inédit, intéressant de nature ou d’apparence plus ennuyeux comme quelques passages sur l’étude des mousses que l’on nomme la bryologie par exemple ; passages que je me suis surprise à dévorer avec la même appétence que n’importe quel autre élément du livre, tant elle excelle dans l’art de l’écriture.

Les personnages sont absolument tous attachants à commencer par Alma, profonds avec des particularités très marquées, des émotions qui nous sont parfaitement transmises tant la plume est précise. Ce n’est jamais pesant mais bien au contraire fin et subtil.

Bref, une perle rare.

Il s’agit de l’histoire autobiographique et fictive d’Alma Whittaker de sa naissance en 1900 jusqu’à la fin de sa vie en 1883 avec en préambule une première partie consacrée à la jeunesse de son père, né Anglais extrêmement pauvre et presque illettré mais dénué de tout scrupule, opportuniste, malin, opiniâtre et qui va pierre après pierre construire sa fortune, trouver une femme Hollandaise « convenable » à ses yeux, c’est-à-dire « intelligente, réservée et la moins frivole possible » et migrer vers ce nouveau pays des Etats Unis d’Amérique, plus précisément Philadelphie, capitale de cette jeune nation.

Là, il bâtit une propriété baptisée White Acre et comportant une demeure palladienne « aux proportions majestueuses », une grande écurie, une vaste forge, un corps de garde, des édifices botaniques (serres, orangerie…), une forêt et même le long de la rivière Schuylkill un embarcadère personnel.

En parallèle, il continue à faire fructifier sa fortune grâce au commerce des plantes médicinales et à la pharmacie.

C’est au cœur de cette propriété grandiose que va naître et grandir Alma (deuxième partie du livre), seul enfant naturel du couple à survivre. Enfance un peu particulière, solitaire mais heureuse et qui va résider durant de longues années en l’apprentissage ininterrompu de toutes les connaissances possibles, mais plus particulièrement les langues (Néerlandais, Français, Latin, Grec) et surtout les Sciences Naturelles au travers de ce domaine de découverte et d’expérimentation grandeur nature qu’est White Acre, qu’elle peut parcourir à loisir sans que rien ne vienne enfreindre sa liberté. Elle est en cela fortement encouragée par ses parents et notamment sa mère qui ne jure que par l’apprentissage. Par contre, il lui est aussi appris à maîtriser et dominer ses sentiments quel qu’ils soient (amour, tendresse, joie, tristesse, peur…).

Alma va également apprendre dès ses quatre ans, l’art des conversations « musclées » lors de diners organisés par ses parents où elle est la bienvenue et durant lesquels elle va participer à une « table de joutes » où les invités sont « interrogés, défiés, provoqués » jusqu’à l’écœurement.

Toute cette éducation faîte à une petite fille au surcroit supérieurement intelligente va faire d’elle une personne érudite dans bien des domaines, pleine de répartie et contrairement à ce que l’on aurait pu penser, à fleur de sentiments et d’émotions mais qu’elle est incapable de partager naturellement. Elle va également trouver dans la botanique, la passion de toute une vie.

Les circonstances de la vie vont lui donner une sœur adoptive qui va brutalement changer son enfance solitaire. Cette sœur sensiblement du même âge et arrivée dans des conditions plutôt sordides au domaine est d’une grande beauté et elle va surtout convaincre Alma qui est d’une forte constitution et franchement laide que c’est dans les apprentissages et le travail qu’elle trouvera son bonheur.

Les deux sœurs ne seront jamais intimes même si Prudence va en quelque sorte se sacrifier pour elle.

Le reste de l’ouvrage découpé en trois autres parties va raconter la vie de femme d’Alma.

Tout d’abord, elle va se sentir « obligée » de rester à White Acre auprès de son père suite à la promesse faîte à sa mère qui va disparaître assez vite de veiller sur lui. En découle une vie solitaire de botaniste, un mariage raté et désastreux pour le cœur d’Alma, des révélations stupéfiantes et tout autant désastreuses sur son plus proche entourage et au final à l’aube de ses 50 ans et à la mort de son père, Alma se délivrera enfin de White Acre, lèguera sa fortune et partira enfin voyager.

Ensuite, et c’est la quatrième partie, on va la suivre à Tahiti sur les traces de son mari défunt.

Enfin, et ce sera la cinquième et dernière partie, elle ira en Hollande retrouver sa famille maternelle. Enfin, elle y trouvera plénitude intellectuelle mais aussi affective en la personne de son oncle et de ses nombreux cousins et cousines.

Durant son très long voyage entre Tahiti et Amsterdam, elle va rédiger une thèse portant sur la « modification compétitive des espèces », fruit de ses études, observations et convictions de toute une vie de travail et de réflexion. Cette thèse, aboutissement d’une vie de botaniste brillante qu’elle se refusera à publier fait écho à la théorie de l’évolution des espèces de Darwin révélée à la même époque.

Ainsi se termine cette épopée à travers le XIX e siècle.

Ce livre est vraiment un coup de cœur pour moi, tant je l’ai trouvé fascinant à lire. Il porte à réflexion sur bon nombre de domaines tant au niveau des sentiments, des relations familiales, du manque de communication, des non-dits mais également au niveau de l’évolution des sciences, des connaissances en botanique, en pharmacologie de l’apparition du spiritisme qu’il aborde simplement sans jamais que cela ne vienne alourdir le récit et enfin au niveau de l’histoire avec notamment la cause abolitionniste, la lutte de pouvoir entre religion et science dans la création de la vie…que du bonheur !


Quelques extraits :


Partie 1 : L’arbre des fièvres
« Au bout d’un an, Henry avait plusieurs clients réguliers. L’un d’eux, un vieux cultivateur d’orchidées des jardins botaniques de Paris, lui fit peut-être le premier compliment de sa vie : « tu es une petite peste bien utile. »
Partie 2 : La prune de White Acre
« C’était la fille de son père. C’est ce que l’on déclara dès le début. Pour commencer, Alma Whittaker ressemblait en tout point à Henry : rousse de cheveux, rosée de teint, petite de bouche, large de front, abondante de nez. C’était un état de fait quelque peu malheureux pour Alma, même s’il allait lui falloir quelques années pour s’en rendre compte(…) Qui plus est, Alma était aussi astucieuse que lui. Et robuste, également. Un vrai petit dromadaire : infatigable et ne se plaignant jamais. Dès l’instant où la fillette appris à parler, elle ne se lassa pas de débattre. Si la meule qui lui tenait lieu de mère n’avait pas rapidement réduit en poussière toute impudence chez elle, elle aurait pu devenir franchement grossière. Pour le coup, elle n’était qu’acharnée. »
Partie 3 : La perturbation des messages
« Après la mort de Béatrix, Henry ne s’était pas remarié et n’avait pas témoigné le moindre intérêt pour le mariage. Il n’avait pas besoin d’épouse : il avait Alma. (…) Depuis le temps, elle avait appris comment mieux organiser sa propre existence autour des caprices et des exigences de son père ».
« Je voudrais dormir à votre côté chaque nuit pour le restant de mes jours et écouter éternellement vos pensées. »
Partie 4 : La conséquence des missions
« L’inconnu se redressa. Il se tourna pour sourire à la foule et Alma put voir son visage directement pour la première fois. Si elle n’avait été soulevée par la cohue, elle serait tombée à la renverse sous le choc. Les mots « demain matin » qu’Ambrose avait écrits au dos de tous ses dessins du Garçon n’étaient pas un code. (…) Pour une fois dans sa vie, Ambrose Pike avait été parfaitement clair : « Demain Matin » était simplement le nom d’un homme.
Et là, en effet, Demain Matin était arrivé.
Partie 5 : La conservatrice des mousses
« La théorie d’Alma paraissait audacieuse et dangereuse – même à ses propres yeux : elle savait qu’elle était dans un territoire traître – non seulement d’un point de vue religieux mais aussi d’un point de vue scientifique. »
« Oncle Dees ! s’exclama-t-elle en se précipitant. Que se passe-t-il donc ? Le vieil homme déglutit et lui prit la main. La sienne était chaude et humide. Pendant un moment, il fut incapable de parler. Il serrait ses doigts de toutes ses forces. Il ne voulait plus la lâcher.
Puis enfin, de l’autre main, il brandit son traité.
Oh, Alma, dit-il sans prendre la peine de retenir ses larmes. Dieu vous bénisse, mon enfant. Vous avez l’esprit de votre mère. »
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