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Les Émeutiers de Philippe HUET

Éditeur : rivages/noir

Date 1ère parution : 2015

Genre : Policier/Historique

Nombre de pages : 352

Quatrième de couverture :

Au début des années 1920, la reconversion de l'industrie de guerre est difficile et la révolution russe, dans toutes les têtes. Au Havre, grande cité ouvrière, la situation est tendue depuis l'affaire Durand, erreur judiciaire emblématique des méthodes du patronat. Arguant du contexte difficile, de grands industriels diminuent unilatéralement les salaires. Ils entendent ainsi susciter une révolte qu'ils pourront écraser, faisant un exemple pour toute la France.

Les leaders syndicaux, pas dupes, organisent une mobilisation exemplaire, mais des agents provocateurs sont à l'œuvre. Un jeune journaliste ambitieux, revenu de guerre débarrassé de ses illusions, est amené à choisir son camp.


Mon avis :

Une des grandes pages du mouvement ouvrier français : Le Havre 1922. Les combattants de la première guerre mondiale ont réintégré leurs usines et sont de nouveau exploités par un patronat dont les affaires sont moins florissantes depuis la fin des hostilités.

En réaction à la loi des huit heures (de travail par jour), les actionnaires de l'industrie havraise décident unilatéralement de réduire les salaires de 10%. C'est le début d'une très rude opposition qui se terminera dans le sang.

La presse, les grévistes, les politiques, les dirigeants d'entreprise, les syndicats, Huet pénètre ces différentes sphères pour donner toutes ses dimensions au conflit. Conflit dans lequel, les politiques vont justifier l'intervention agressive et massive de la garde armée par un amalgame des grévistes entre ceux qui veulent "juste" défendre les droits, les conditions de travail des ouvriers et ceux récupérés politiquement par des mouvements extrémistes sympathisants du parti communiste de l'union soviétique.

Voilà pour le contexte historique.

Philippe HUET mêle très habilement les faits réels précis et fiables et des éléments plus fictifs pour construire un ouvrage à l'écriture simple et efficace qui traduit parfaitement la condition ouvrière de l'époque et la réalité économique, politique et historique de ce conflit.

Ce n'est cependant jamais trop difficile ou compliqué à lire. C'est au contraire instructif, passionnant, émouvant.

Le fil rouge est le parcours du journaliste Louis Albert Fournier (de retour du front avec une jambe en moins) qui va s'immerger au cœur même du conflit pour les besoins du journal mais également beaucoup s'interroger et s'impliquer personnellement jusqu'à faire enfin un choix dans les dernières lignes du livre.

Lecteur, on se questionne beaucoup sur le "vain" et terriblement destructeur car difficile voire impossible à vivre, à supporter, à endurer pour les ouvriers et leur famille de ces mouvements prolétaires surtout quand on voit à quel point les capitalistes savent s'organiser pour les "contrer".

Pourtant, ces combats inégaux et héroïques sont à saluer avec beaucoup de respect…

Bref, j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre et je me sens plus instruite après l'avoir lu. Ce processus s'est fait facilement et naturellement tant l'auteur est doué.

Pour conclure, cerise sur le gâteau, la présence en "guest star" de Louis Ferdinand CÉLINE, encore médecin et pas tout à fait écrivain qui s'intègre de manière fort habile et subtil à ce récit !

Je vous en recommande vivement la lecture.

Quelques extraits :

"Le Havre, l'avait-on prévenu, est un foyer - sans doute le plus important en France -, où bouillonnent dangereusement idées subversives et pensées révolutionnaires. [...] Dix ans donc, qu'Adriano Ciotta se consacre à la surveillance du mouvement ouvrier havrais. En marge de la police officielle, et avec une équipe de spécialistes. "Surveillance" étant un doux euphémisme. Ciotta traque les militants, infiltre les syndicats, fiche les agitateurs, opère des perquisitions arbitraires, saisit tracts et publications, utilise la panoplie complète de l'intimidation. Et au moindre prétexte, celui de trouble à l'ordre public notamment, Ciotta arrête, Ciotta enferme."
"Et avec, elle ne vaut pas lourd non plus, songe Victor toujours d'une humeur massacrante. Tu dors, tu te lèves, tu te couches, tu bosses, tu pointes, tu fais des gosses parce qu'il faut bien renouveler le cheptel, tu touches une paie de misère qui te laisse à poil les quinze derniers jours du mois, fait de toi un mendiant de l'épicier, un suppliant de l'huissier dont tu dois lécher le cul alors que tu voudrais lui mettre la tête au carré. Pas seulement la sienne d'ailleurs. T'as envie de bousiller tout le monde, l'univers entier, même le mec que tu croises par hasard dans la rue, qui n'y est pour rien, parce qu'à ce moment-là, un volcan explose dans ta pauvre caboche... Et le comble, c'est que tu pleures lorsque cette salope d'usine te vire, qu'il n'y a plus de boulot, et que tu n'as qu'à fermer ta gueule..."
"Le patronat pleure sur la loi des huit heures de travail (votée en avril 1919) qui le crucifie, gémit sur les bénéfices perdus et les dividendes écornés, ne pense qu'à rogner sur les salaires pour s'en sortir. De l'autre côté de la barrière, l'ouvrier claque du bec, vit la peur au ventre d'être licencié, envoie ses gosses ramasser des miettes de charbon sur les quais pour l'hiver. "
"- Vous n'allez pas publier ça, hein, Fournier ? Trois cent ou quatre cent morts... Dans ma ville ! Il est fou. Pas cette phrase... faut pas, mon petit Fournier. - Je vais me gêner, raille Louis-Albert."
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